En attendant

Tenir ses promesses

Je suis plutôt casanière. Enfin j'aime bien voir nos amis, j'aime sortir avec eux, mais j'aime pas sortir pour sortir, aller chez des gens que je connais pas ou avec qui j'ai pas d'affinités. Oui, mais pour savoir si on a des affinités, il faut bien accepter de les voir..un peu.

Là où ça me gène le plus, c'est quand quelqu'un a l'air de m'apprécier, réclame ma présence alors que moi.. bof. Alors quand on m'invite à boire un café et que ça me branche moyen, je décline en promettant une autre fois. Oui mais tôt ou tard forcément, faut y aller, sinon ça décoit les gens. Quand c'est quelqu'un avec qui ça passe vraiment pas, je me force pas, mais quand c'est quelqu'un de gentil, je me sens obligée de le faire, en me disant qu'à priori même si c'est pas un moment hors du commun qui m'attend, ce sera pas non plus l'enfer.

C'est comme ça qu'hier matin, je me suis retrouvée chez une de mes voisines, que je ne connais quasiment pas bien que j'emmène son fils chaque jour à l'école ( hé oui, serviable la Ernestine..).

C'est une femme de 20 ans, maman d'un garçon de 8 ans et de deux grandes filles. Autrement dit, elle pourrait être ma mère. Ca faisait bien 8 fois qu'elle me disait de passer boire un café , "qu'on discute". Mais de quoi ?

En ce moment, elle est en arret maladie, maladie pas glop d'ailleurs, donc ellee st là toute la journée , sans pouvoir marcher, donc elle s'ennuie. A peine j'étais rentrée de l'école , elle m'a appelée , 8h40 , " ça vous ferait plaisir de boire un café ?". Arf... pas trop le moment. Moral un peu tremblotant, grosse fatigue, 1001 choses à faire..mais bon, j'accepte, je lui dis que j'arrive dans 30 minutes. Je me demande si j'ai pas eu pitié. Elle a du surveiller mon retour de derrière ses rideaux.. ses journées doivent être longues..

Alors  j'y suis allée. 1h30 à parler.. ben de bambins, de son boulot, de chiffons et de poussières. C'est passé vite, je peux pas dire mais en partant de chez elle, j'ai regardé l'heure et je me suis dit que franchement j'avais mieux à faire en ce moment... même si 1h30 à ne plus penser à rien, un autre monde à deux apparts de chez moi, une femme seule qui laissait transparaitre le désastre de sa vie. Et moi qui ne savait pas quoi lui dire...

Retour à l'école à 11h30. La maman de l'amoureuse de mon ainé se jette sur moi, avec un sac rempli de fringues pour moi. Pareil, une femme de 50 ans, des fringues que j'aurais bien du mal à porter mais le geste est gentil, elle connait au moins 50 personnes susceptibles de se réjouir de ces vetements, mais elle m'a choisit. Elle a toujours quelque chose pour moi, un bracelet qu'elle porte pas, des vetements, des bouquins..Toujours inquiète de ma santé, de mon moral, elle lit sur mon visage comme dans un livre... comme une seconde maman. Elle attend la naisance du bébé comme une futur grand mère. Et moi, je ne sais jamais quoi lui dire. Sa gentillesse me destabilise, parce que gratuite, parce que sans condition. Juste, je lui plais et je ne sais pas pourquoi. Est tombée l'invitation " tu passes quand boire un café ?"... "heu ben.. vendredi matin ?".. je pouvais pas refuser , je pouvais qu'accepter, parce que c'est gentil comme d'hab, parce que décliner aurait été un peu déplacé. De quoi on va parler ? Se doute t'elle qu'au fond, j'ai pas grand chose à dire ?

Et 5 minutes après, Anise, une fille de mon age, qui me dit ( me reproche ) que je devais passer pendant les vacances et qu'elle attend encore. Ben oui.. j'ai pas vu passer les vacs. Anise, elle a du caractère, elle est pleine de vie, elle est jolie, on s'entend bien même si on a pas grand chose en commun à part notre ribambelle de bambins. Elle me dit souvent qu'elle a peur qu'on se perde de vue après le démenagement, qu'elle trouverait ça dommage. Je me souviens de la première fois qu'elle m'a téléphoné "juste comme ça, pour discuter", j'étais surprise, je pensais n'etre pour elle qu'une maman de l'école. Alors j'ai dit à Anise que je passerai jeudi aprèm. Elle me l'a rappelé aujourd'hui, elle compte sur moi.

Je sais dire non, mais pas aux propositions gentilles.

Quelque part, je me dis qu'il faut bien aussi que je vive un peu par moi même , et pas qu'avec mon homme et mes enfants. Ces femmes sont surement une bouffée d'oxygène que la vie me propose. J'ai l'impression d'avoir oublié que , ado, j'étais populaire, (dixit ma maman),  que j'étais toujours acompagnée par 1001 personnes. Que je suis une personne comme une autre donc.

C'est bizarre mais j'ai souvent la sensation que les gens ne me voient pas, que je ne les marque pas. Parce que j'ai un caractère réservé, que j'observe beaucoup mais je me livre peu. Pas même à ma meilleure amie ( que je vais rarement voir d'ailleurs, et qui me le reproche, elle aussi ). Pourtant, il y a des choses que j'ai sur le coeur depuis longtemps, qu'il faudrait que j'arrive à jeter sur une table pour m'oter quelques poids sur la conscience. Des trucs pas originaux, des trucs pas si terribles, mais que je n'ai jamais dis à personne parce que j'ai souvent l'impression que ca va déranger, ou laisser indifférent.

Quand j'ai ouvert ce joueb, je pensais pouvoir me lacher ici, me liberer de quelques vieux démons . Et en fait, je me rends compte que je n'y arrive pas non plus.Pourtant ça me hante de plus en plus, pourtant je sais que le fait de le dire, ou de l'écrire relacherait la soupape.Et je sais aussi que dans ces choses se trouvent les clés de pas mal d'étrangeté de mon caractère.. dont cette mini associabilité et cette manie de me sentir bien que chez moi, avec mes enfants et mon homme.

Ecrit par Ernestine, le Mercredi 15 Septembre 2004, 00:33 dans la rubrique "1001 pensées".

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